Olivier Lucas, Indiana Blue

Retour sur une rencontre avec un chineur professionnel de denim, Olivier Lucas.

Texte Indiana Jones

Baroudeur des salons professionnels, telle ne  fût pas ma surprise lorsqu’un jour une hôtesse m’imposa la présence d’un membre du staff francophone pour me présenter la ligne 101 Lee à Berlin. Le préposé me conta alors les origines de chaque pièce présente sur le stand du 19eme siècle à aujourd’hui, j’étais captivé. Les histoires étaient si intéressantes qu’il devint mon référent #1pour la marque et m’inspira l’idée d’un spécial denim.

C’est à lui que revient le spot de la couverture de ce premier numéro.

Plus qu’être un chef de produit, Olivier Lucas est une encyclopédie vivante du denim, un archéologue bleu, un Indiana Jones du jeans.

Peux-tu te présenter ?

J’ai découvert le monde du denim à la suite d’un stage au département marketing de Levi’s. Après 7 années de bons et loyaux services dans le produit, j’ai rejoint la marque Lee. Chez cet autre fleuron du jeans je m’occupe désormais des projets image et Premium. Cela va de la collection premium Lee 101 aux projets de collaboration comme Lee X Vivienne Westwood Anglomania, Lee X Kris Van Assche ou encore la ligne exclusive pour J Crew aux Etats-unis.

Qu’est ce qui t’attire tant dans le denim ?

Le denim me plait parce qu’il a tant d’attraits c’est un véritable univers. Il est tellement proche de la culture actuelle, de la jeunesse, de génération en génération. Un jeans est toujours un jeans, la toile n’a pas de variations infinies mais c’est tout ce qui tourne autour, son histoire, ses associations sociales et culturelles, ses réinterprétations infinies, son accessibilité par tous.

Tu allies travail et plaisir en chinant des pièces vintages de par le monde ?

Cela s’apparente à trouver des pièces de design quotidiennes et fonctionnelles. C’est aussi un loisir. Les jeans vintages sont merveilleux bien sûr mais souvent introuvables et hors de prix.

Quelle est la pièce dont tu es le plus fier ?

La marque a été incroyablement innovante et créative. Du coup j’ai un grand plaisir à rechercher et retrouver ces pièces Lee, notamment les pièces rares, non reprises dans les Archives du Kansas. Il y a un an, par exemple j’ai trouvé une petite veste de travail courte en laine qui datait des années 40. Une finition impeccable, des étiquettes très sophistiquées d’une certaine façon. J’apprécie particulièrement l’esprit de la marque et le leitmotiv de son fondateur. Cette pièce en est l’incarnation, créer des vêtements résistants mais aussi flatteurs pour le Worker Americain. Lee est la première marque à avoir créer le “overall”de travail, ou encore la veste en jeans slim.

Depuis le début des années 30, la Slim Rider Jacket ou 101-j est dans la ligne. C’est très précurseur, puisqu’elle a un fit « slim ». Aujourd’hui encore tout le monde porte des vestes et des jeans aux coupes plus resserrées. Une concept alors inimaginable dans le monde du vêtement utilitaire. L’idée  qu’un travailleur soit bien habillé, juste pour avoir un bon look était très novatrice.

Est-ce que cela influe sur ton travail actuel?

La recherche de la collection est le résultat d’un travail d’équipe. Gerald, le responsable du style, recherche des formes, des matières, des détails, je complète avec des pièces d’archive. Parfois on discute de ramener et/ou actualiser des pièces que nous avons récemment découvertes. Des chemises de travail des années 30 ou encore la série # 30 de vestes de travail des années 20 que nous avons récemment revue.

Est-ce que tu recherches aussi des Buddy Lee?

La poupée Buddy a été lancée dans les années 20 par un responsable de la marque qui a amené à l’époque beaucoup de nouveautés dans la collection. Nous en avons plein nos placards grâce à nos archives au Kansas, donc nous ne le recherchons pas trop.  Ils ont aussi la fâcheuse tendance d’être très chers quand ils sont vraiment anciens et en bon état!

Quel est le prix de la pièce la plus chère que tu aies trouvé?

Un Lee Cowboy pant acheté à un chineur/vendeur de vintage aux Etats Unis il y a 5 ans pour 2500 Euros. Ce jean enfant présente cinch back, patch en cuir « hair on hide » et des patchs de réparation authentiques. Il date des années 30, avant le passage de “l’arcuate“ au “lazy S“ (à l’époque “l’arcuate “était générique aux Jeans Americains).

Sinon,  j’ai failli lever la main à une vente aux enchères en Février au salon Inspiration pour un 101B avec patch “hair on hide”, pour 20,000$. C’est un grand collectionneur de L.A. (Hollywood Trading Company) qui organisait l’enchère!!

Nous avons aussi une autre pièce des années 30 au bureau qui doit valoir 10,000Euro maintenant…

Où et comment chine t-on?

Il faut y consacrer du temps, bien connaître les archives et savoir reconnaitre les pièces spéciales. Cela fait des années que je flâne dans les boutiques de seconde main donc j’ai un peu pris le pli. Il y a aussi des rassemblements, des marchés ou des petits événements qui permettent de voire une quantité plus importante de pièces vintage, un genre de stage intensif.

A L.A il y a le fantasque marche vintage Rosebowl, le 1er dimanche de chaque mois où les gens arrivent du monde entier, munis de torches et caddy dès 6h du matin. C’est gigantesque, victime de son succès, les pièces deviennent chères et pas aussi spéciales qu’auparavant.

Une autre adresse est le Salon Inspiration organisé par Rin Tanaka, l’auteur des incroyables livres “Freedamn “ sur le vintage. J’y suis allé en Février dernier,  tous les collectionneurs de vintage du monde entier comme le“Hellers Cafe“ à Seattle, qui est pour moi le collectionneur de denim par excellence, sont réunis à bord du Queen Mary à Long Beach.

C’était magnifique! J’y ai trouvé beaucoup de pièces Lee intéressantes, notamment une chemise worker en chambray grise, des années 50 et aussi des pièces d’uniforme Lee pour Coca Cola, des années 40-50.

Ebay reste une bonne source, à partir du moment où l’on sait ce que l’on cherche.