Un ouvrage documentant l’odyssée de son oeuvre sur les façades d’un quartier marginalisé du Caire ( le quartier des chiffonniers) publié en 500 exemplaires uniques car chaque couverture est une pièce de la grande mosaïque peinte à la main par l’artiste.
Nous avons eu la chance de nous entretenir avec l’artiste contemporain, il y a 2 années de cela pour le magazine Afropolitain:
“Cela me fait plaisir que vous m’appeliez. Le gens voient souvent l’Afrique du nord plus arabe qu’africaine. Alors que le continent tient son nom d’un petit morceau de terre au nord de la Tunisie, Ifriqiya.” C’est avec ces mots que l’artiste contemporain El Seed nous accueille lors de notre entretien téléphonique. La conversation ne pouvait commencer sous de meilleurs hospices.
L’homme de 35 ans aujourd’hui exilé à Dubaï s’est plongé dans l’art vers l’âge de 16 ans tout d’abord par la culture urbaine et notamment la danse. Né à Paris et grandit dans la région, il explique avoir plus été attiré par la danse que la peinture à l’époque mais qu’à la suite d’une crise identitaire vers l’âge de 18 ans et du climat social qui poussait à choisir entre 2 cultures (ses parents sont d’origine tunisienne), il a commencé à lire et à écrire arabe. Réflexe salvateur puisqu’il l’a aidé a accepté son identité française. Il a donc découvert la calligraphie et l’a appliqué au graffiti bien qu’il ne se définisse pas du tout comme un street artiste aujourd’hui. Bien au contraire, c’est un artiste contemporain qui utilise le script arabe dans ses oeuvres. Il fait des installations artistiques, de la sculpture et a laissé la bombe de peinture loin derrière lui. Néanmoins, il rencontre d’énormes difficultés à se détacher de cette étiquette calligraffiti. Terme utilisé en 1984 par un ancien directeur du musée des arts contemporains de L.A lorsqu’il a organisé une exposition du meme nom réunissant calligraphes et graffiti sans faire de liens entre les deux. Le terme a par la suite été accolé à El Seed bien qu’il le rejette fermement en partie parce qu’il est dénué de tout sens.
Son nom, il le tient d’une lecture en cours de français de madame Lacroix qui lui explique que l’oeuvre de Corneille tire son nom de l’arabe “Maître”, il n’en faut pas plus à l’artiste en herbe pour s’attribuer le titre.
Le maître de la calligraphie continue brillamment ses études jusqu’à décrocher un Master à l’ESSEC (prestigieuse école de commerce française) en logistique. Un peu par dépit d’ailleurs, regrettant de ne pas avoir été encouragé à suivre une carrière artistique. Il a d’ailleurs travaillé comme consultant dans de grandes boîtes à NYC et Montréal avant de se jeter corps et âmes dans sa vraie passion. De ses études, il a quand même retenu l’art de l’organisation et du process qu’il applique dévotement à chaque installation. Par exemple, l’installation dans le quartier des chiffonniers du Caire a nécessité une année de préparation. “Je prépare chaque projet comme un chaîne de production, je réfléchi de manière trés logistique avec un gros travail en amont.”
Ce qui l’intéresse par dessus tout est le challenge artistique, la remise en question et le degré de difficulté. Plus que l’oeuvre, ce qui restera dans le temps est l’expérience humaine, cette rencontre avec une communauté marginalisée. D’ailleurs, l’oeuvre commence à disparaître.
Ce message, ce besoin de dénoncer, dévoiler, de faire découvrir est l’élément initiateur de toutes ses installations artistiques. Ainsi après le printemps arabe, il a remarqué que tous les débats tournaient autour de l’économie en Tunisie. La culture était mise de côté et cela a déclenché son projet “Lost walls”, un road trip artistique à l’intérieur du pays au cours duquel il a parcouru 17 villes et villages avec son équipe, créé des oeuvres murales pour mettre en valeur des histoires oubliées de son pays d’origine dont notamment la maison de ses grands-parents, celle où son père est né, là où ses parents se sont mariés.
Son esprit fourmille de projets en Afrique, continent qui a une saveur particulière à ses yeux. Il a eu cette étincelle dernièrement, en 2012 lors d’un séjour en Afrique du Sud entouré de ses pairs africains. Jusque la, il se considérait comme un artiste arabe car c’est la langue dans laquelle il écrivait, mais il s’est rendu compte qu’il était tunisien avant tout. Que le mouvement se faisait vers le sud plutôt que vers l’est. C’est suite à cela qu’il a étudié l’empire de Timbuktu avec l’empereur Aboubacar 2 dont la traversé de l’océan atlantique est relatée par Christophe Colomb ou encore le pèlerinage à la Mecque de Mansa Musa durant lequel il a bouleversé l’économie des pays qu’il a traversé de par son immense richesse construisant des universités sur son passage. On l’aura compris, l’Afrique est dans son coeur, El Seed l’africain a sévit en Tunisie, au Caire, en Algérie, en Afrique du sud et a de plus en plus de visées vers l’Afrique noire comme cette route qui part du Caire pour rejoindre l’Afrique du sud. Ou encore rencontrer les pêcheurs de Somalie catalogués de pirates. Il a besoin de comprendre car derrière chacun de ses projets se cache une démarche intellectuelle, plus que simplement peindre, il veut mettre en avant quelque chose. D’autant plus qu’à ses dires, la place de l’art ne cesse d’accroitre sur le continent. Il y a un élan culturel et créatif encouragé par les institutions avec des foires d’art à Dakar, à Marrakech, et les scènes nigériennes et camerounaises. De son propre aveu, il essaye de se connecter, de rejoindre le mouvement et bénéficier aussi de cette énergie et cette effervescence qui passe par la solidarité et le partage dans ce monde déchiré entre les égos. Lui, n’hésite pas à aider, échanger et connecter. Il se sent obligé d’être solidaire.