Le Wall street journal nous avait mis la puce à l’oreille, le Daily show a enfoncé le clou, le closet s’est penché sur le cas de la crise qui s’abat sur le Bling Bling.
Cash Rules Everything Around Me du Wu-Tang n’a jamais été aussi vrai. A l’heure du tout numérique et du manque d’affluence dans les concerts, la crise financière finit de siphonner les plans d’épargne des adeptes de l’école du micro d’argent.
D’après le Wall Street Journal, les rappeurs et consorts ne payent plus leurs joaillerie en cash. Ils négocient des remises et n’hésitent pas à demander des pierres un peu moins précieuses.
B.G, inventeur du terme au détour d’une chanson, ne se doutait sûrement pas du phénomène qu’il était en train de lancer. A l’époque, il y a plus de 10 ans maintenant, sachant que tout bon sudiste, quelle que soit sa condition, se doit d’arborer une dentition qui vaut son pesant d’or, il décida de se démarquer de ses pairs en empruntant une onomatopée commune aux cartoons pour décrire ses bijoux de famille. Le rappeur de Cash Money était loin d’imaginer, que sa private joke ferait une entrée remarquée dans le très sérieux Oxford English Dictionary. Qu’elle ferait le tour du monde. Qu’elle serait même reprise pour définir le style d’un président à l’autre bout du monde.
Dookies and Co.
Petit cours d’histoire : S’il est vrai que le Hip Hop d’Afrika Bambaataa fût créer sur des bases non-violentes et festives. Sa discipline la plus connue, le rap, a rapidement pris ses distances avec le mouvement originel. Succombants à l’appel du billet vert, les rappeurs ont justifié leur penchant pour les grosses liasses et tout ce qui brille par des références aux parures des chefs africains et à leur fascination pour les maquereaux. N’oublions pas que nous sommes au pays de l’argent décomplexé.
Ces ornements sont un moyen d’afficher une réussite à l’Américaine. Le fameux mythe de l’artiste aux origines modestes qui parvient à se hisser au rang de la royauté du ghetto. Slick Rick portait bien un cache-oeil orné de diamants et Eric B. and Rakim d’énormes chaînes torsadées en or, les dookies.
Cela a commencé à l’époque de Kurtis Blow et ce n’est pas près de s’arrêter si l’on regarde le nouveau jouet de T-Pain. Car a contre-courant de la morosité ambiante, le rappeur-producteur de Floride tient à montrer qu’il ne connaît ni la crise, ni la contrefaçon avec sa chaîne estimée à plus de 400 000 USD. Pas de personnage de cartoon, ni de boîte de Frosties ou encore de crayola ici, juste 4 petits mots. « My Big Ass Chain » parle d’elle même.
Tout cet étalage de richesse créé de l’envie, d’autant plus que les lyrics Egotrip ont généré une véritable course à l’armement. Poussant les wannabes à frimer avec du toc. Pour être franc, les fakes existent depuis la nuit des temps et complètent la panoplie du parfait petit rappeur, au même titre que la table de mixage et les sneakers. Ce qui est nouveau c’est que les artistes bien établis attirent la suspicion, n’est-ce pas Mr. Rick Ross ?
Vous l’aurez compris, l’expression Bling Bling, ôde à l’ostentatoire, est servie depuis quelques temps à toutes les sauces mais elle connaît aujourd’hui les jours les plus difficiles de sa courte histoire.
Le Bling Bling fait grise mine
Jason Arasheben bijoutier des stars complète par « Beaucoup de ces rappeurs n’ont tout simplement plus les moyens d’acheter de la vraie came » et « On en arrive au stade où ils arborent des faux, cela en devient ridicule ». Le premier indicateur de la crise a sans doute été l’annulation de la vente aux enchères « Hip Hop’s Crown Jewels » estimée à $3 millions de dollars. Il est révolu le temps où Mr. Arasheben façonnait le pendentif géant “CRUNK AIN’T DEAD” de Lil’ Jon. Cette pièce de plus de 2 kilos certie de 3 756 diamants blancs, rentrée dans le Guinness des records comme le plus gros pendentif en diamants sur terre. Elle était même annoncée comme le joyau de la vente aux enchères.
Concerné depuis le début, Slim Williams, co-fondateur de Cash Money Records et frère de Bryan « Birdman » témoigne que les grosses pièces ne sont plus ce qu’elle étaient. Aujourd’hui, place
aux diamants de second choix. L’homme connaît son affaire, c’est un de ses artistes, Lil’ Wayne, qui a inventé le terme « Bling » lors d’une session d’enregistrement, et c’en est un autre, B.G., qui a fait rentré l’expression dans le langage courant avec le tube éponyme.
A Houston, la mecque du bling bling, le joaillier Johnny Dang dit répondre à la nouvelle demande en offrant aux clients des produits moins onéreux. “Ils sont toujours aussi gros, ils scintillent toujours autant, mais les diamants sont plus petits et l’or de moindre carats ». On est passé de 18 à 12k, c’est à dire 50% d’or ou moins. Pour des soucis de rentabilité, Mr. Dang a laissé tomber les modèles faits mains et réduit les coûts de revient de moitié.
Les ventes de Mr. Dang’s ont chuté de 60%. Son associé et lui, le rapper Paul Wall, ont popularisé cet appendice notamment en platine. Les moins fortunés en sont même réduits à faire fondre leurs prothèses. La recession a tellement décimé les rangs de l’extravagance qu’il a donné naissance à un site sellyourgoldteeth.com qui rachète des grillz au prix du métal fondu.
Le Bling-Bling ne fait pas le rappeur
Alors bon, sans pour autant tomber dans le c’était mieux avant, nous allons peut-être assister à un nivellement naturel. Il se peut que le marché attire des nouveaux, venus pour l’amour de l’art et plus par appât du gain. Des personnes moins attachées à l’or et la soie, qui se réclameront de l’école des médaillons en cuir version X-clan.
Faut-il pour autant conspuer les amoureux de l’orfèvrerie ? Je ne crois pas, mais à l’inverse une grosse chaîne n’a jamais été garante de bon gros son. Le seul moyen de peser le pour ou le contre reste d’écouter le CD, si cela existe encore, et de se fier à son propre jugement. Voilà un expemple parmi tant d’autre du fameux adage « L’habit ne fait pas le moine » ou plutôt « Le Bling-Bling ne fait pas le rappeur »
Favor Flav le disait déjà dans les années 80 : « don’t believe the hype »