Texte: Nels Oleson pour LeCLoset #5
Bien avant The Wire et Under Armour, la ville de B.more se demarquait déjà en contribuant au fabuleux destin de la pièce phare du 20eme siècle. Il était une fois une usine pas comme les autres…
Greensboro c’est avant tout le coup de poker d’une fratrie. 2 négociants en textile de Baltimore qui à la suite d’une tournée dans le dirty south remarquent une pénurie de toile indigo. La demande de la classe ouvrière en expansion et des fermiers omniprésents excédait, de loin, la production des complexes du New Hampshire. Malin comme des singes, les frères Cone implantent en 1895 une usine en Caroline du nord à la croisée des champs de coton, des mines de charbon et des chemin de fer, la Proximity Manufacturing Mill devient en moins de 10 ans le premier producteur d’or bleu du monde.
Les 3 grands (Levi’s, Lee et Wrangler) y font tisser leurs “Selvedge” ces fameuses toiles aujourd’hui prisées des dandys avec leur liseré naturel super solide, rendu visible grâce à un ourlet savamment réalisé. Rouge Levi’s, jaune Lee et vert Wrangler, chaque marque arbore alors une couleur de selvage différente pour éviter la confusion au sein des petites mains de la fabrique.
Comme un signe du temps, la demande de jeans pousse les fabricants à produire en Asie avec de nouvelles machines plus productives, laissant la région à l’abandon à la fin des années 1970.
Paradoxalement, c’est sous l’impulsion d’une autre partie de l’Asie qu’est revenu l’engouement pour le selvage. Un tailleur japonais, Hidehiko Yamane, à la recherche de toiles de qualité, lança le“replica movement” en reproduisant des Levi’s vintages à l’identique grâce à d’anciens métiers à tisser importés d’usines U.S demembrées. 30 ans plus tard les machines retrouvent la Caroline du Nord lorsque le magnat Wilbur Ross rachète l’usine Cone Mills.
Les lignes premium de Wrangler (Blue Bell) et Levi’s sont revenues au bercail en enfants prodigues. On y produit aujourd’hui des jeans à l’ancienne pour un prix qui peut atteindre les 350 euros.
Cone mills a une réputation de “Geo trouvetout”, en 1969, suite à un dégât des eaux, le jean neige y est découvert, aujourd’hui encore on y transforme des bouteilles de plastique en jean.
Les toiles rugueuses ne sont plus destinées à l’Amérique laborieuse, elles trouvent désormais leur salut sur le séant des petits hypeux europeens.